Episode 6 : Les aiguilles de Bavella
Véro a retrouvé le sourire suite à la pose de l'entretoise et après une journée de repos. Nadège trouve toujours que son guidon est tordu suite à sa chute presque à l'arrêt. A priori, ce sont les tés qui ont tourné, mais je n'ai pas trop envie de toucher à ça n'aillant pas trop d'outils sous la main. Tout le monde est d'accord pour monter par la spéciale de Pietrosella. Mais il faut faire de l'essence pour les petites vessies et un passage par Ajaccio s'impose, la plupart des pompes étant fermées par ailleurs. Ca m'ennuie, mais d'un autre côté, mon genou me fait encore mal. Avec le baluchon, je ne peux pas me reculer sur la selle et je suis donc obligé de le plier.
A Bisiano, on trouve une petite épicerie ouverte, paumée au milieu de rien, avec une vue magnifique sur la mer. Séb commence à la vider, mais Véro veille au grain : "c'est juste pour un picnic". Nous quittons la D302 pour remonter sur Petreto-Bicchisano. La vue n'est pas magnifique mais la route occupe bien les yeux

. C'est étroit et humide, mais c'est bon

.
En repiquant vers Aullène, je perçois des banderolles qui font bien penser à une route barrée, mais ça n'a pas l'air d'être quelque chose de bien officiel : une course, un truc du genre... Pis y a un djeunz à l'accent bien du coin qui nous fait signe. Il nous dit que la route est barrée au niveau du col de St Eustache. Heureusement qu'il a pointé en même temps sur la carte. Je l'aurai presque pas compris. Il y a un film en tournage et la route est fermée jusqu'à 17h. Là, il me propose un itinéraire de délestage mais je ne vois pas son doigt passer sur un trait rouge beuark.
Pis je pointe Moca-Croce sur la carte, un filet de bave à la lèvre. "Moca-Crokch ?" qu'il dit. Zont la sale habitude de bouffer la voyelle en fin de mot et de mettre des kch un peu partout. Comme broccio, ça se dit "broksh", presque "broutsh". Il me dit alors que oui, en moto, ça doit passer. C'est juste défoncé, étroit et il y a des épingles. Je tourne la tête vers les autres. Je distingue des expressions tout en contraste avec mon sourire épanoui. Arg, c'est pas gagné.
Mes talents de négociateurs ne sont pas affûtés à cause de ce genou douloureux. Nadège tranche, comme un couperet, on passe par Propriano en se tapant le village merdique d'Olmeto et on remonte par Arbellara, Zérubia, etc. Et comme c'est Nadège qui a le picnic, j'ai qu'à suivre...

Je m'incline face au brutal dictat démocratique.
Séb nous a expliqué que sous la domination de Gênes, les Corses n'avaient pas droit à la propriété. Franchement, ils se sont bien rattrapés depuis. Impossible de trouver un coin où s'arrêter. C'est un peu comme dans le Morvan : chaque centimètre carré est encadré par une clôture. Et pis pour s'arrêter, le cahier des charges est compliqué. Tout d'abord, le coin doit être ombragé. C'est qu'il fait chaud au soleil et l'insolation guette. Les Parisiens ne sont pas bien conscients du risque mais aillant déjà connu de grosses insolations, je me méfie énormément de ce dernier. Ensuite, il ne faut pas trop de gravillons, pente, etc. pour que Madame n'ai pas besoin de faire la moindre manœuvre. Ensuite, il faut au moins un buisson, quelque chose pour que ces dames puissent faire ce qu'on ne peut pas faire à leur place dans l'intimité. La cocotte monte en pression jusqu'à Arbellara où je m'arrête à l'ombre de l'église.
La remonté sur Aullène est
belle 
. On s'arrête un peu en vrac pour en profiter, car le spectacle est derrière. Ca ressemble pas mal aux Cévennes de mon enfance

. Au détour d'un virage, entre deux rochers, j'aperçois le cul d'une vache. Hésitant à la frôler, un coup de sabot est si vite parti, je modifie ma trajot et me positionne pour signaler aux autres la curiosité de parcours. La vache n'a pas sourcillé au passage des 4 motos, la tête entre les deux rochers. Je me suis alors demandé si l'expression "parle à mon cul, ma tête est malade" ne venait pas de là ?
On arrive à Aullène juste un peu avant 17h. Il y a la queue pour prendre la route fermée. Je suis vert, tel Hulk lorsqu'il vient de déchirer sa chemise. Au lieu de faire un détour de 20km, on en a fait un de 40 et la route n'était pas rigolote... en toute mauvaise foi. Séb commence à s'affoler pour trouver un coin où crécher. Mais à 60 € la nuit sans becter, ça fait un peu cher. Et pis des campings, on en a vu près de la côte, mais là, ça fait un petit moment qu'on en a pas vus... Tant pis, on continue. Au pire, on fait du camping sauvage. Il y a moins de clôtures dans le coin. Faudra juste sortir les motos du bord de la route...
Juste après Quenza, au détour d'un virage, un camping apparaît. Je m'arrête et me dirige vers le taulier pour savoir si il nous accepte et si il y a des places. Le camping est presque vide. Je lui dis qu'il y a 4 motos et deux tentes. Il s'en fout : "C'est 5,5€ par personne et pis vous pouvez vous installer où vous voulez, y compris là haut sur la butte"... Bonbah y a plus qu'à

. Je dégotte un emplacement où d'après tous mes calculs, on ne devrait pas avoir le soleil le lendemain matin... Et pis on aperçoit un bout des aiguilles, vite, vite, on va les voir ?
A Zonza, c'est le choc, tel Claude arrivant à Nougayork. Il y a des hordes de motards. Y en a même un qui, foufou, sautille sur ses cale-pieds. Nadège : "regarde le bambi, il va se vautrer". Et pis, boum, il se vautre

. Il s'est pris le cale-pieds dans le jean et du coup, le pieds n'a pas pu descendre assez-bas. Un peu assommé, je vais l'aider à relever son fazornet. Mais il y a déjà 15 motards sur place alors que j'étais le plus proche au départ...
Après m'être assuré qu'un resto serait ouvert à notre retour, on monte au col de Bavella. C'est
magnifique,
grand, on aperçoit presque la mer en bas... Et pis y a ces pins Corses, sculptés par le vent... Grap, coucher de soleil, toussa, ouha

. Resto classe, on passe les roros économisés dedans. Les chants Corses, c'est bien quand ils baissent le volume

. Retour xénons, dodo.
